3-4 Dec 2015 Nice (France)
Pour une approche pragmatique de l'exclamation en scénario de surprise
Agnès Celle  1@  , Anne Jugnet  1@  , Emilie L'hote  1@  , Laure Lansari  1, *@  
1 : Centre de Linguistique Inter-langues, de Lexicologie, de Linguistique Anglaise et de Corpus  (CLILLAC-ARP)  -  Website
Université Paris VII - Paris Diderot : EA3967
Université Paris Diderot Bât. Olympe de Gouges case postale 7046 75205 Paris cedex 13 -  France
* : Corresponding author

 

Selon Michaelis (2001:1039-1040) la fonction de l'exclamation est d'exprimer la surprise du locuteur, à la suite de la violation d'une attente. Mais l'expression de la surprise passe-t-elle nécessairement par l'exclamation, et si oui quelles formes prend-elle? Nous proposons de répondre à ces questions sur la base de l'analyse et de l'annotation sous Glozz d'un corpus de films et d'émissions de radio en langue anglaise. Le repérage d'énoncés de surprise dans ce corpus montre que la surprise s'exprime en fait à travers une variété de structures syntaxiques : exclamatives, interrogatives, déclaratives, énoncés averbaux difficilement catégorisables. Nous adoptons une approche pragmatique, où c'est l'interaction en dialogue qui est le facteur déterminant pour identifier différents types d'exclamation en situation de surprise.

Sur la base des occurrences de notre corpus, nous établissons un gradient sémantico-pragmatique entre interrogatives et exclamatives (Caffi & Janney 1994). Il nous permet notamment de rendre compte des occurrences difficilement classables par de simples critères formels, comme dans l'exemple suivant :

 

ED Yeah! I met a movie star! Somebody really big!

DOLORES Who? Robert Taylor?!

ED (annoyed) No! A horror movie star!

DOLORES Boris Karloff!?

ED Close! The other one!

(Ed Wood, 1994)

 

Les critères formels (structure syntaxique : simple syntagme nominal, ponctuation combinant point d'exclamation et point d'interrogation) ne permettent pas de classer l'énoncé Boris Karloff !? en tant qu'interrogatif ou exclamatif. L'énoncé précédent du même locuteur (Who ? Robert Taylor ?! ), qui comprend un mot en wh-, et un point d'interrogation avant le point d'exclamation, apparaît en comparaison plus proche d'une interrogation que Boris Karloff !?. Dans le premier cas, le locuteur Dolores demande confirmation d'une simple hypothèse à son interlocuteur, alors que dans le deuxième elle réagit à l'incongruité de la nouvelle qu'elle pense avoir devinée. Il ne s'agit cependant toujours pas d'une exclamative prototypique, puisqu'elle appelle encore une réponse informative de la part de l'interlocuteur (qui rectifie la nouvelle hypothèse).

Le gradient ne fait pas appel à des concepts souvent utilisés dans la définition de la surprise en discours, tels que la présupposition ou les implicatures conventionnelles (Potts 2005). Nous avons choisi de l'établir en fonction du type de source, de la fonction expressive de l'énoncé de surprise (Legallois et François 2012), et de la réaction de l'interlocuteur. Il couvre des énoncés allant d'une demande de confirmation à l'expression d'une surprise mêlée à d'autres affects. L'annotation sous Glozz nous a permis de définir des séquences de surprise, d'associer à chaque énoncé de surprise un type de source (discours ou événement extralinguistique), et de prendre en compte le contexte discursif en amont et en aval. Nous mettons ainsi en lumière le caractère essentiel de l'interaction dans l'analyse des exclamatives en situation de surprise. Ce travail nous permet également de raffiner la définition de la surprise en discours, qui n'est ni une simple réaction physiologique à un stimulus, ni une réaction psychologique tournée vers la seule subjectivité du locuteur (speaker-oriented, Rett 2011). Il faut au contraire l'envisager en tant qu'enchaînement discursif, de la source à la réaction de l'interlocuteur. Nous proposons donc une définition de la surprise en discours comme scénario. 

 

 

 

Références

Caffi, Claudia & Richard Janney. 1994. « Toward a pragmatics of emotive communication », Journal of Pragmatics, 22 : 325-373.

Legallois, Dominique & Jacques François. 2012. « Définition et illustration de la notion d'expressivité en linguistique. » Dans Nicole Le Querler, Franck Neveu, and Emmanuelle Roussel (dir.). Relations, Connexions, Dépendances: Hommage Au Professeur Claude Guimier. Rennes: Presses universitaires de Rennes. 197–221.

Michaelis, Laura. 2001. “Exclamative Constructions.” Dans Martin Haspelmath (dir.). Language Typology and Language Universals: An International Handbook. Berlin, New York: W. de Gruyter. 1038–50.

Potts, Christopher. 2005. The Logic of Conventional Implicatures. Oxford: Oxford University Press.

Rett, Jessica. 2011. “Exclamatives, Degrees and Speech Acts.” Linguistics and Philosophy 34 (5). 411-442.


Corpus

Burton Tim. 1994. Ed Wood. http://www.opensubtitles.org/fr/search/sublanguageid-fre/idmovie-4395. (Consulté le 29 mai 2015)

 

Logiciel d'annotation

Widlöcher Antoine & Yann Mathet. 2009. La plate-forme Glozz : environnement d'annotation et d'exploration de corpus. In Actes de TALN 2009, Senlis, France.

 

 



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