3-4 Dec 2015 Nice (France)
Un cas d'énoncé exclamatif en gbaya, une langue oubanguienne de RCA
Paulette Roulon-Doko  1@  
1 : Langage, Langues et Cultures d'Afrique Noire  (LLACAN)  -  Website
CNRS : UMR8135, INALCO, Université Paris VII - Paris Diderot
Bâtiment C 1er étage 7 rue Guy Môquet - BP 8 94801 VILLEJUIF CEDEX -  France

Le gbaya est une langue oubanguienne (Niger-Congo, Adamawa oriental). C'est une langue isolante, avec une très faible morphologie et aucun accord (pas de genre, et pas de nombre à l'exception des pronoms personnels). L'ordre des mots est très strict. Il comprend des verbes, des prédicats non verbaux, des noms et plusieurs catégories d'adjectifs. Le système verbal est distribué sur trois modes (Réel, Virtuel et Impératif) et deux aspects (Inaccompli et Accompli). C'est une langue tonale à deux niveaux, soit quatre tons. Il comporte trois consonnes glottalisées, trois labio-vélaires et une série complète de nasales et de semi-nasales. Il comporte également des voyelles nasales. Je présente une analyse de description fonctionnelle et pragmatique, dans une optique typologique, basée sur un corpus spontané qui, pour ce travail, comprend 31 contes, 1 heure de jugement et un récit (enregistrés entre 1969 et 1995) et 1 conte et 6 récits (enregistrés en 2011) transcrits, analysés et traduits.

En gbaya l'énoncé exclamatif est assez peu fréquent dans le discours, contrairement à l'emploi d'interjections utilisées dans l'interaction verbale et aussi de façon courante dans les récits au sein du discours rapporté qui, cependant, ne créent pas d'énoncés exclamatifs et ne seront pas traitées ici. Il existe trois constructions qui permettent en gbaya d'exprimer une exclamation. Deux portent sur des adjectifs, mais je me limiterai pour cette présentation à celle qui porte sur des verbes.

Cette construction qui porte sur le verbe est une construction dédiée à l'expression de l'exclamation. Il s'agit d'une expansion spécifique du verbe qui consiste à postposer directement au verbe conjugué une reprise de la base verbale affectée d'un ton bas [b-BV] introduite par le relateur nɛ̀ : [nɛ̀-b-BV] noté excl. Cette reprise d'un verbe sous une forme figée est un procédé qu'on retrouve dans deux autres cas que je présenterai. Selon le terme qui nécessairement suit cette expansion exclamative du verbe, la construction résultant prend deux sens différents. La présence de des interrogatifs gè "quoi" et ndé "est-ce-que" produit (i) un exclamatif de contestation (ex. 1 et 2), tandis que la présence d'un adverbe de manière produit (ii) un exclamatif d'admiration (ex. 3).

 

1. vàlá dùà kó nɛ̀-kò gè ndé

mâle.d/cabri/inac.accoucher/excl.accoucher/quoi/est-ce-que

"Quel bouc peut accoucher! / Comment un bouc peut-il accoucher!"

2. kíì nɛ̀ dɛ̀áà ʔà̰ zɔ́k nɛ̀-zɔ̀k gè ndé

peur/relatif/acc.faire.d/3S/inac.voir/excl.voir/quoi/est-ce-que

"Avec la peur qu'il a eu, comment a-t-il pu voir quelque chose!"

3. ʔɛ́tíɛ̀n mbɛ̀rá nɛ̀-mbɛ̀r zàŋzì nɛ̀ díà

Etienne/acc.jouer.d/excl.jouer/sanza/en-tant-que/bon.nominalisateur

"Comme il joue bien Etienne! / Qu'est-ce qu'il joue bien Etienne!"

 J'analyserai ces différentes constructions et leurs contextes d'emploi. Je m'interrogerai pour cette construction (i) sur le rôle de l'interrogatif gè "quoi" en montrant que la construction exclamative ne peut en aucun cas être confondue avec une construction interrogative d'autant que la présence de l'interrogatif d'énoncé ndé "est-ce-que" en fin de phrase est suffisant pour supporter la valeur interrogative. Pour l'exclamation admirative (ii) je présenterai la situation des adjectifs et des adverbes qu'ils produisent afin de cerner leur rôle dans cette construction. Dans tous les cas il n'y a pas de marque d'intonation.

En conclusion, il ressort que l'exclamation de contestation ne peut apparaître que dans une interaction et un cadre polémique, et l'exclamation d'admiration profère une appréciation positive qui correspond à une expression qualificative sans aucune expression quantitative.



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